Simone et Jean
L’histoire que je vais raconter est vraie. Le lundi 21 février 19**, en début de soirée, ne trouvant plus d’autre échappatoire dans la vie, deux vieux amants se sont donné la mort. Ensemble en se tenant la main, Simone et Jean sont entrés dans la rivière, des pierres dans les poches pour faciliter l’immersion. Leurs corps ont été repêchés, mais leur amour s’est fondu dans les eaux pour rejoindre la mer.
Quand je dis que leur histoire est vraie, je ne veux pas dire simplement qu’elle a eu lieu dans la réalité et que je l’ai lue dans un quotidien, je veux dire aussi que cette histoire a voulu être vraie jusqu’au bout, juste, en accord avec les deux êtres qu’elle unissait, en accord avec le désir qui ne supportait aucune altération extérieure, en désaccord avec tout ce qui peut lui nuire. Cette histoire est vraie par ce qu’elle dit à chacun de nous, parce qu’elle parle à partir de chacun de nous. Cette histoire parle presque à notre place, à nous, qui nous taisons. Simone et Jean, dont le désir loquace s’est tu à présent, me forcent à rompre le silence.
Lors de l’inhumation des corps de ses parents, l’aîné leur a dit : “ Soyez heureux. ”