J’aurais dû embrasser Tom au sommet de la tour de l’Observatoire de l’Université de Vilnius. Mais j’étais le roi des occasions manquées. Et Tom était marié. Dans quelques semaines, il serait père d’un enfant dont il ignorait encore le sexe. Et je n’ai pas osé laisser ce moment nous appartenir. Un agréable malaise nous avait surpris lorsque la guide nous avait abandonnés au bas de la tour, nous avions alors gravi le vieil escalier en bois avec empressement. En entendant les marches craquer sous nos pieds, j’avais senti combien ces minutes allaient compter. Comme toujours, l’émotion avait provoqué un début d’érection que j’avais tenté de masquer. Là-haut – Tom le savait, je ne pouvais pas en douter – nous attendait plus qu’un panorama. Nous nous retrouverions dans une proximité enivrante dont l’isolement au-dessus de la ville nous obligerait à palper l’érotisme. Nous avions d’abord maladroitement tenté de nous intéresser à la vue, l’espace était si exigu à l’intérieur de la tour que, pour ne pas se retrouver côte à côte, il fallait faire preuve de la plus grande vigilance. Nous nous étions efforcés de nous orienter chacun de notre côté jusqu’à ce que l’exercice nous parût trop absurde, et nous en vînmes alors à partager nos points de vue et à nous exclamer faussement en indiquant tel ou tel site que nous avions déjà visité. Je perçus aussitôt combien cette mise en scène allait vite épuiser ses ressources, Vilnius était une ville de taille moyenne, je pouvais entrevoir l’instant précis où nous en viendrions à bout.