— Caspar David Friedrich (1774-1840)
Ce qui nous frappe encore dans l’œuvre de Friedrich, c’est sa fondamentale ambivalence : il dit tout et son contraire. L’attrait de l’homme pour la nature et le sentiment d’en être coupé. La conscience implacable de la fin et l’idée concomitante d’un continuel commencement. La clarté dans la nuit et l’aube brumeuse. La solitude et la communion. Les départs au milieu des épaves. L’incessant mouvement de la mer et la pétrification. L’inquiétude jusqu’à l’apaisement. L’espérance dans la désolation. Les œuvres de Friedrich se situent dans cet espace entre ce qu’on croit connaître et ce qui ouvre vers l’inconnaissable. Rien n’y est dit sinon l’expression de l’ineffable. Il n’y a pas de scène imposée, pas de message apparent. Rien d’autre que ce qui remue en nous à la vue de ce que nous voyons et ses inépuisables résonances qui font s’élargir les limites du cadre de la quotidienneté.
(extrait d’Avant Godot, Arléa, 2016. Prix Roland de Jouvenel de l’Académie Française)