— Francisco Goya (1746-1828)
On en revient à l’image brouillée de Goya aux côtés du docteur Arrieta, l’une des images les plus fascinantes de l’histoire de la peinture. Son délire ne naît-il pas, plutôt que d’une maladie, de la volonté de se substituer à l’autre dans le rôle de témoin de soi-même ? Dédoublement vertigineux, car plus il se penche sur son image, plus celle-ci se brouille, s’éloigne de lui, échappe à son entendement, car, se répète le peintre, je suis cette illusion impossible à atteindre, cette figure s’enlisant dans la mort. Ainsi, continue-t-il, je ne suis jamais moi, je suis ce que je traque, et que j’ignore, et il me faut m’inventer un visage auquel je ne peux croire (écrire des livres pour me contenir). Aussi je ne me fie qu’à mon instinct, je tends les mains dans l’obscurité et je tâtonne. Je suis l’éternel commencement de l’imaginaire : la part de moi à inventer.
(extrait Visions de Goya. L’éclat dans le désastre, Arléa, 2019. Prix André Malraux)